Edito des Echos du Qi Printemps 2017

Les dirigeants de tous les pays du monde marchent sur la tête. Le pouvoir de l’argent, son attrait, ses pulsions entraînent l’humanité dans un déséquilibre de plus en plus dramatique. La disparité riches/pauvres s’aggrave, l’égoïsme et la médiocrité sont de mise dans nos société. Nous pourrions continuer ce tableau avec autant d’adjectifs que vous avez, sans doute, déjà utilisés.

Mais il convient aussi de se poser un instant et de voir l’humanité réagir. Plus les « grands » deviennent fous, plus le peuple s’organise différemment, trouvant ressources et astuces pour s’entraider, se libérer des caciques de la pensée ultralibérale et mondialiste.

L’homme a besoin de retrouver son identité au travers du clan. La notion de clan est vague mais elle représente un groupement de personnes qui se sentent unis autour  d’un totem que celui-ci soit un art, une idée, une pensée, un objectif, peu importe. Ce qui compte, c’est l’union d’hommes libres prêts à s’investir dans une action qui aide. Car plus le monde offre l’avoir, plus les hommes cherchent à être. Le combat entre être et avoir, nos deux verbes les plus importants nous montrent combien nous sommes constamment tiraillés en nous par ces deux forces. Doit-on posséder pour être heureux ou bien doit-on être ? Cette question existe depuis que l’homme philosophe.

Mais ces deux verbes sont étranges. On les nomme des auxiliaires, terme qui signifie en son sens le plus latin, une aide.

Ainsi l’avoir est une aide et cela nous le savons bien. Si nous avons de l’argent alors nous pouvons réaliser une partie de notre existence qui consiste à manger et avoir un toit.

Etre est aussi une aide. Et là, cela demande quelques explications. L’être n’est pas la vie. L’être c’est l’action de faire notre vie, de la réaliser, de la façonner comme on façonne un métal. Au sens sartrien du terme, l’existence est donc le faire de l’être. Ainsi nous prenons conscience que l’être n’est pas celui qui se la coule douce, qui se repose sur son existence. L’être est celui qui prend son envol, qui s’affranchit de cette société très, trop protectrice et infantilisante. L’être construit sa propre vie et cela ne se fait pas sans angoisses. Celle-ci est l’expression de la liberté. C’est important à saisir. L’angoisse est donc l’expression et un jalon nous montrant que nous commençons notre chemin d’homme libre.

C’est alors qu’apparaît la pensée chinoise avec son modèle extraordinaire de vie intitulé taoïsme.

Le Tao est une voie mais le texte classique nous dit que dès que nous l’avons identifié, expliqué alors ce n’est plus le Tao.

Et pour cause puisque le Tao est un mouvement incessant qui ne s’arrête jamais. Le Tao c’est l’eau du temps qui s’écoule sans que l’on puisse définir de quelle eau il s’agit.

Ce que nous savons par contre avec certitude, c’est que celui qui tend vers le Tao s’écarte de plus en plus du monde, de l’ordre des choses car cet ordre n’est qu’un leurre.

Ce que souhaite le Taoïste c’est d’approcher le Chaos. Cet état primordial du non manifesté ou tout est en possible mais non encore ordonné. Et à l’orée de cet état primordial, genèse de ce qui est en devenir, le Taoïste tente de ne pas interférer sur ce chaos au risque de faire prendre une direction qui n’est pas naturelle mais influencée par ses propres désirs.

Quelle école de vie. C’est être en puissance mais pas en acte. C’est se réaliser à l’interne mais pas à l’externe. C’est agir sans agir. C’est en fin de compte, être sans chercher la reconnaissance mais bien la connaissance. Combien les choses sont dérisoires lorsqu’on s’approche de ce Chaos originel. Combien l’homme est futile mais combien cela est nécessaire à son émancipation. Et Tchouang Tse de nous rappeler que l’important est de bien manger, de rire. Car le but de l’existence est bien évidemment d’apprendre que l’instant est une donnée essentielle (l’un se tend et est l’essence du ciel).

Si nous sommes sur ce chemin alors nous nous ouvrons à la grande nature, à l’univers et peut-être alors la conscience universelle fera l’expérience de notre être, instant insaisissable mais Ô combien fort en émotions.

C’est pourquoi, même si ce monde est dans son déclin, l’homme continue de chercher son chemin. La société n’est qu’une pierre de plus mais elle ne l’empêche pas d’avancer encore et encore vers la lumière dans laquelle il baigne.

La vraie révolution n’est pas externe, certainement pas dans les rues ni dans les guerres. La vraie révolution, étymologiquement un tour en arrière, est dans cet homme qui se retourne et qui voit son ombre. Il prend alors conscience que s’il est dans les ténèbres (son ombre qui est absence de lumière) il s’agite non pas par lui-même mais en suivant les gestes d’un autre qui est cette partie palpable, réelle de lui-même. Il a alors le choix de devenir auteur, acteur de sa vie ou rester l’ombre de lui-même.

                                          Jean Motte

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